Il est six heures du matin, et comme tous les matins depuis deux semaines, la
télévision est toujours allumée. C'est rare quand je ne m'endors pas avec elle. Et encore plus rare quand je ne me réveille pas à ses côtés. A six heures, il y a la météo. C'est la dame en noir qui me sourit et qui m'explique qu'aujourd'hui encore il fera beau. Elle me regarde, les yeux encore remplit de sommeil. Elle ne dort jamais, en fait. Comme moi, je crois. Ou alors deux ou trois heures à tout casser. Aujourd'hui encore, après la météo, je vais aller faire un tour dehors. J'observerai les gens, écouterai les sons. Je passerai faire mes courses et retournerai à la maison. Manger, dormir et regarder la télévision. A nouveau, ce sera la météo.
Rituel monotone de ma vie d'artiste. Oui, je suis un artiste. Je peins. Je peins principalement des paysages. Mais tout est
rouge. J'adore cette couleur. Le rouge. Ca sonne bien dans la bouche, et ça ne fait pas mal à la tête. Et lorsque quelqu'un prononce ce mot, cette fabuleuse teinte, je me met à rougir. Le rouge c'est la passion, l'amour, la haine, le sang, la souffrance et la douleur. Pourquoi associe-t-on toujours le mal au noir ? Et le rouge, dans tout ça ? C'est une couleur. Alors que le noir n'en ai pas une. Arrêtez de croire à tous ces clichés qui vous bourrent le crâne.
Sortez plutôt faire un tour dehors. Avec vos enfants, votre épouse ou votre époux. Sortez faire un tour et tendez la
main. Touchez le ciel du bout des doigts, touchez la joue d'un passant sans qu'il ne s'en rende compte. Touchez les
murs et rendez vous compte du monde dans lequel nous vivons. Dans cette boite, ou plutôt ce rond. Cette sphère qui nous emprisonne. A-t-on déjà pensé à s'enfuir loin de tout cela ? Moi, j'y pense toujours. J'aimerais bien pouvoir m'échapper, m'éclipser dans ce monde si faux. Et au final, est-on sûre que ce monde existe vraiment ? Ne
voulez vous pas connaitre d'autres horizons ?
Des pas à l'étage. Des pieds nus sur un parquet. Et ce
bébé qui pleure, comme d'habitude. A six heures du matin, lorsque tout le monde dort encore. Sauf moi. Encore allongé dans mon lit, je ne bouge pas d'un
poil. Il n'est pas encore l'heure d'aller à l'épicerie. Elle est encore fermée. En fait, si je vais là-bas, c'est surtout pour voir la caissière. Cette jolie jeune femme avec de grands yeux gris. Elle sourit toujours et nous parle toujours poliment. Mais je me demande si elle ne va pas décider de changer lorsqu'elle se rendra compte que le petit vieux du coin la mate sans arrêt. Qu'il la déshabille du regard et qu'il l'imagine nue devant lui.
En fait je dis parce que moi aussi, je l'imagine comme ça. Pas souvent, c'est vrai. Mais ça m'arrive. Et quand l'envie se fait trop forte, je prétexte une soudaine envie de me moucher. Je sors mes
mouchoirs et souffler fort à l'intérieur. Histoire de bien me dégoûter de la nature humain. C'est bête à dire, mais c'est comme ça. Un rien ne me dégoûte. Les humains me dégoûtent. Sauf la caissière, bien sûre. Aujourd'hui, je vais acheter de la
farine. Comme une envie de faire un gâteau. Ou de la pâte à modeler. Oui, de la pâte à modeler. J'adore les couleurs. Surtout le rouge. Mais je crois que je l'ai déjà dis. J'aime mélanger la pâte verte avec la jaune et la bleu et la orange et la rouge et la bleu. Ca fait une sacrée couleur... Vert caca d'oie. J'aime bien ça.
En fait, pour tout vous dire. Aujourd'hui j'ai dix ans. Papa et maman sont encore en voyage mais ils m'ont laissé un peu d'argent sur la
table.
On dirait pas comme ça, mais c'est éprouvant, d'être un enfant. Et aussi... Ca demande beaucoup, beaucoup d'imagination.
Mots à utiliser pour le prochain :
Sensation - Etagère - Aspirine - Envouter - Tentation
Toile - Sublime - Araignée - Survoler - Eteindre